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LA LESBOPHOBIE :
UNE DISCRIMINATION OUBLIÉE?

Le nombre d’agressions subies par les lesbiennes en France augmente d’année en année. Une montée de violence qui est notamment due à leur invisibilité dans les médias selon les militantes LGBT. 


Professeur au collège depuis 20 ans, Marie-Claire avait certes entendu des remarques liées à sa sexualité. Quelques rumeurs, des blagues salaces, mais guère plus. Pour cette quadragénaire, mère de trois enfants, qui assume depuis son adolescence son orientation homosexuelle, les vrais ennuis ont commencé en 2016. Dans le village où elle enseigne la population double, et avec, les mentalités des grandes villes arrivent : « On me surnommait la prof gouine. On me demandait carrément qui faisait l’homme et qui faisait la femme, sans que les parents ne réprimandent leurs enfants » confie Marie-Claire. 

À chaque début d’année : c’est le même rituel, les élèves ricanent entre eux : « fais gaffe, la prof de Technologie elle aime les moules ». Le harcèlement dure depuis plus de 2 ans. Même si l’enseignante a un caractère bien trempé, elle avoue parfois craquer : «J’avais l’impression de ne plus être moi, mais une espèce de bête sexuelle, homosexuelle. Et le pire c’est que souvent les parents des adolescents qui insultent pensent pareil ».


Des chiffres qui font froid dans le dos
Marie-Claire fait partie des 365 femmes qui ont contacté SOS-Homophobie en 2018, soit un cas de « lesbophobie » par jour en France. Et les témoignages recueillis par l’association sont effrayants. C’est par exemple le cas d’Aurélie, frappée au visage à plusieurs reprises par un homme lui reprochant qu’elle ne puisse pas avoir d’enfant. Ou encore Emma, une étudiante, réveillée toutes les nuits par sa mère pour l’obliger à faire des tâches ménagères, et ainsi la punir d’être qui elle est. 

Dans son rapport annuel présenté le 14 mai 2019, SOS-Homophobie constate une augmentation de 42% des cas de discrimination rapportés par des femmes homosexuelles par rapport à 2017. On s’aperçoit que les agressions envers les lesbiennes ont lieu surtout sur Internet (28%) : menaces, insultes, harcèlement… C’est plus qu’en famille (14%), dans les lieux publics (13%) ou encore, au travail (10%). La principale manifestation de ces violences est le rejet, pour 78% des cas. Viennent ensuite la discrimination (un cas sur deux) et les insultes (39%).


Le « viol correctif »

Les lesbiennes sont majoritairement les cibles d’hommes, qui en plus de les insulter leur font des avances sexuelles. Et ça va même parfois jusqu’au meurtre ou au viol. Une pratique se développe particulièrement : le "viol correctif qui consiste à violer des lesbiennes pour les "guérir" de leur homosexualité. 
Le mois dernier un homme de 24 ans a été condamné à 15 ans de prison par la cour d'assises de Seine-Saint-Denis pour avoir violé, frappé et volé une jeune lesbienne. L'avocate générale avait demandé aux jurés de condamner l’accusé à quinze ans pour "viol en raison de l'orientation sexuelle".  Elle estimait qu'il s'agissait bien d'une "punition de l’homosexualité ». La cour n’a cependant pas retenu le caractère homophobe de l'agression. 

Pendant le procès la jeune-femme raconte : quand elle refusa d'avoir un rapport sexuel, elle "lit soudain la haine dans ses yeux », avant d'entendre cette phrase: "Ah, tu kiffes les meufs? Je vais te faire kiffer ». Suivront une heure et demie de coups et violences sexuels. jusqu’à ce que le jeune homme finisse par quitter l'appartement, après lui avoir dérobé une chevalière et sa carte bancaire. 

L’invisibilité des lesbiennes dans les médias

Si ces chiffres et histoires sont frappants, cela ne veut néanmoins pas forcément dire qu’il y a plus d’actes lesbophobes qu’auparavant. Ils sont peut-être rendus plus visibles et il y a tout simplement plus de chiffres. 

On constate un léger progrès en matière de médiatisation. Les réseaux sociaux ont notamment aidé dans la diffusion du message. Ils sont des facteurs qui expliquent aussi pourquoi SOS Homophobie a pu réunir davantage de témoignages d’agressions que les années précédentes. 

Cependant la visibilité des lesbiennes est encore trop faible selon Alice Coffin, journaliste, porte-parole de la Conférence Européenne des Lesbiennes : « Il y a un manque d’interêt des journalistes pour les questions féministes et lesbiennes». Elle estime qu’ils ont leur part de responsabilité.

Si la visibilité homosexuelle est croissante, elle n’est pas du tout paritaire. L’homosexualité reste surtout synonyme d’amour entre hommes alors qu’il y a autant de gays que de lesbiennes. Dans les journaux LGBT, à la télévision ou à la radio elles sont moins représentées. « C’est grave parce que les médias ont un impact significatif » poursuit la journaliste. « Les journalistes donnent un sens et choisissent ce qu’ils veulent mettre en avant ».


« Il n’y a pas assez d’argent et de mobilisation»

Alice Coffin pointe également du doigt l’action gouvernementale et son engagement auprès des minorités : «Emmanuel Macron n’a rien compris sur les violences faites aux lesbiennes (…) Il n’y a pas assez d’argent et de mobilisation».  Et s’il n’y a pas de financement d’associations de lutte contre l’homophobie (et en l’occurence contre la lesbophobie) de la part de l’Etat, il n’y a pas de chiffres. Les progrès sont encore trop faibles et trop lents. La première étude sur la lesbophobie en France n’a été menée qu’en 2017. SOS Homophobie sont les seuls à faire des rapports spécifiques. 

Pour Alice Coffin, les solutions existent. Il faudrait accorder plus de ressources aux associations LGBT et spécifiquement, à celles qui luttent contre la lesbophobie. Mais surtout, les militantes attendent aujourd’hui une déclaration ferme de la part du Président de la République, pour condamner ces actes de violence.




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